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10 février 2021

Exploiter les données pour enrayer la pandémie

Qu’elles soient de nature informatique, médicale, ou autre, les données reflètent les multiples facettes de la crise sanitaire que nous traversons et les enjeux qui y sont associés. On les retrouve à chaque étape de la lutte contre le virus SRAS-CoV-2, de l’analyse de la situation jusqu’aux prises de décisions, en passant par le développement de traitements, la gestion des ressources humaines et matérielles, etc. Chez IVADO, forts de ce constat, nous soutenons 9 projets qui s’insèrent dans la course contre la montre qui s’est déclenchée mondialement en mars 2020.

Retournons onze mois en arrière : alors que la crise sanitaire bouleverse nos vies quotidiennes, nous lançons un appel à proposition spontanée pour lutter contre la COVID-19. Rapidement, notre communauté IVADO se mobilise et 9 projets obtiennent du financement et des ressources pour rechercher des pistes de solutions. Faisons un tour d’horizon de ces initiatives!

Dans ce contexte de pandémie, de multiples bases de données se développent partout à travers le monde. David Ardia (HEC Montréal) et Emanuele Guidotti (Université de Neuchâtel) saisissent immédiatement l’importance d’assurer la collecte et l’accessibilité de ces données. Au printemps 2020, ils lancent ainsi COVID19 Data Hub : une plateforme internationale en libre accès, fédérant plus de 180 pays, qui a déjà été téléchargée plus de 3.4 millions de fois et qui a remporté le concours « CovidR » de la conférence 2020 European R Users Meeting. Elle offre un terrain « propre » pour collecter et analyser un grand nombre de données fiables et diversifiées (données cliniques, données issues de politiques publiques, etc.), afin d’améliorer notre compréhension de la crise. Mais la situation nous alerte aussi sur la nécessité de prédire!

En effet, les phénomènes liés à la mondialisation, telle que la déforestation, pourraient entraîner d’autres pandémies semblables à celles que nous vivons actuellement si nous ne prenons pas de mesures adaptées. Nous avons réalisé comment les animaux peuvent servir d’hôtes à toutes sortes de virus susceptibles de se transmettre à l’humain : il est donc primordial de pouvoir identifier ces animaux réservoirs de pathogènes rapidement et là encore, les données sont nos alliées. Timothée Poisot (Université de Montréal) et Colin Carlson (Georgetown University, chercheur invité à l’Université de Montréal) ont entraîné des algorithmes à prédire ces hôtes potentiels et sont parvenus à développer un modèle fiable qui peut être étendu à d’autres virus. Nous voilà en possession d’un outil de prévention pour mieux détecter l’émergence de nouveaux virus.

Retour au temps présent : dans tous les pays, les chercheur.euse.s tentent d’établir la provenance du virus sur le territoire national, pour pouvoir étudier et retracer les données sur ses différentes mutations. Ces études visent à mieux comprendre comment et à quelle allure le virus se propage, et à estimer son pouvoir pathogène. Au Canada, dans la province de Québec, David Stephens (Université McGill) et Luc Villandré (HEC Montréal) ont pu identifier 20 grappes de cas à date.

En couplant ces données à celles des patient.e.s, on peut établir de meilleurs pronostics, comprendre pourquoi certaines populations présentent différents symptômes suite à l’infection par le virus, et donc prédire les patient.e.s les plus à risque. Julie Hussin (ICM, Université de Montréal) utilise des outils de bio-informatique et des méthodes de profilage génomique pour identifier les sous-types de virus, et suivre l’évolution du virus en temps réel.

Le temps presse… Dans la lutte contre la montre que représente la COVID19, la capacité à tester les populations est un autre enjeu crucial. Or, les tests PCR requièrent des réactifs et une logistique qui prennent un certain temps pour être déployés. Frédéric Leblond (Polytechnique) et Dominique Trudel (CHUM, Université de Montréal) développent des pré-tests très rapides (20 secondes) et faciles d’utilisation, à partir d’une technologie destinée à déterminer la charge virale d’un individu. Ces tests permettraient rapidement d’évaluer la nécessité ou non de poursuivre le dépistage par un test PCR.

En marge des enjeux de diagnostic, les équipes de recherche partout à l’international se mobilisent pour trouver des traitements efficaces pour enrayer la crise. Il faut identifier le talon d’Achille du SRAS-CoV-2 pour pouvoir identifier des molécules capables de le combattre! Plusieurs stratégies sont envisageables…

Parmi elles, François Major (IRIC, Université de Montréal) un spécialiste de l’ARN, travaille sur le développement d’un modèle algorithmique capable de prédire des structures 3D de l’ARN du virus. L’objectif? Utiliser ces structures 3D pour identifier les petites molécules susceptibles d’interagir avec le virus en ayant une action thérapeutique.

De leur côté, Yoshua Bengio (Mila, Université de Montréal) et Mike Tyers (IRIC, Université de Montréal) ont les protéines virales dans leur viseur. Ils ont mis au point un algorithme basé sur l’apprentissage par renforcement capable de représenter de petites molécules synthétisables. Des tests d’affinités in silico – c’est-à-dire modélisés par ordinateur – sont en cours pour identifier des molécules candidates. Le potentiel de ces travaux pourrait aller jusqu’à révolutionner la chaîne de découverte de médicaments!

Quel que soit le traitement envisagé, il convient d’effectuer des essais cliniques avant de le proposer à la population. Or, le recrutement et le suivi des patient.e.s représentent des défis de taille pendant cette phase. Un processus novateur a été mis en place pour y répondre, dans le cadre de l’étude COLCORONA menée par Jean-Claude Tardif (ICM, Université de Montréal) et Frédéric Lesage (Polytechnique Montréal). Il s’agit d’une plateforme numérique qui permet d’accélérer l’évaluation d’un traitement en ayant recours à des méthodes de consentement électronique, de consultations par visioconférence et de chatbot d’assistance pour les infirmier.ère.s. Grâce à cette méthodologie, les tests ont pu être réalisés rapidement, menant aux percées récemment annoncées dans les médias, notamment Le Devoir. Cette plateforme pourra être utilisée pour d’autres études, voire généralisée, afin d’accélérer les essais cliniques tout en en réduisant les coûts. Dans un futur proche, il est prévu de lier les données génétiques du virus collectées par l’équipe de Julie Hussin à celles des patient.e.s, et de les intégrer à l’étude COLCORONA. Cela permettra d’analyser l’impact des différents variants du virus sur les patient.e.s et les répercussions sur l’efficacité des traitements selon les cas.

Régulièrement à la une des médias, la gestion des ressources hospitalières est un autre défi majeur lié à la pandémie, car on craint constamment une saturation des unités de soins intensifs. Pour assurer un meilleur suivi des patient.e.s et faciliter l’attribution des ressources par le personnel médical, l’équipe de Philippe Doyon-Poulin (Polytechnique) et Philippe Jouvet (CHU Sainte-Justine, Université de Montréal) ont créé un tableau numérique permettant de visualiser l’état de santé des patient.e.s et la capacité des lits d’hôpitaux. Cet outil numérique est en cours d’implémentation à l’unité des soins intensifs pédiatriques du CHU Sainte-Justine et l’unité des soins intensifs de l’Hôpital Général Juif.

À travers les premières retombées de ces neuf projets complémentaires, nous voyons donc comment les données sont impliquées à chaque étape de la résolution de la crise, et l’importance de favoriser leur accessibilité pour faciliter les travaux de recherche. Chez IVADO, nous sommes résolu.e.s à entretenir la synergie entre les différentes disciplines, afin de contribuer à l’amélioration de la situation et à de nouvelles découvertes.

L’équipe IVADO