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16 octobre 2025

Façonner l’avenir de la réglementation de l’IA : perspectives du séminaire Québec-Oxford-France à Montréal

Alors que l’IA transforme sociétés et économies, la question de sa réglementation, à la fois éclairée et concertée, s’impose comme l’un des grands défis de notre époque. Les 18 et 19 septembre 2025, IVADO, l’Université de Montréal, la Maison française d’Oxford, l’Université d’Oxford, le Consulat général britannique à Montréal, la Délégation générale du Québec à Londres et la Chaire en IA Canada-CIFAR ont tenu, à la Cour d’appel du Québec, la deuxième édition du séminaire « Façonner l’avenir de la réglementation de l’intelligence artificielle ».

Cet événement international, organisé par les professeures Catherine Régis (UdeM, IVADO), Célia Zolynski (Paris 1 Panthéon Sorbonne) et Angeliki Kerasidou (Oxford),  a réuni une vingtaine de participantes et participants invités du Québec, du Royaume-Uni et de la France, incluant des chercheuses et chercheurs, juges et avocat(e)s. Ensemble, ils ont exploré comment les approches nationales et internationales de gouvernance de l’IA peuvent soutenir l’innovation tout en protégeant les droits de la personne, les valeurs démocratiques et la confiance du public.

Consulter le document synthèse du séminaire (en anglais)

Regards croisés sur la réglementation de l’IA

Les discussions d’ouverture ont mis en lumière les différences entre les approches adoptées par divers pays. De la réglementation ambitieuse proposée par l’Union européenne avec son AI Act à la stratégie britannique dite « pro innovation », en passant par les efforts encore en évolution du Canada, les échanges ont permis de comparer les forces et les limites de chaque modèle.

Célia Zolynski de l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne a illustré, à travers le cas des hypertrucages, l’importance d’une approche interdisciplinaire à la croisée du droit, de la technologie et de la culture. Rebecca Williams de l’Université d’Oxford a décrit la position actuelle du Royaume-Uni comme une approche d’observation et d’adaptation, misant sur le droit existant, notamment le contrôle judiciaire, pour encadrer les usages de l’IA. Pierre Larouche de l’Université de Montréal a présenté pour sa part la trajectoire canadienne à travers les tensions entre gestion des risques, stimulation de la concurrence et promotion de l’innovation.

Les présentations de Melissa Hyesun Yoon de l’Université Hanyang en Corée du Sud et de Juan David Gutiérrez Rodríguez de l’Université des Andes en Colombie ont élargi le débat aux perspectives asiatique et latino-américaine, rappelant que la réglementation de l’IA est un enjeu mondial ancré dans des contextes locaux.

Quand le droit rencontre la technologie

La deuxième séance, présidée par Angeliki Kerasidou de l’Université d’Oxford, a porté sur la mise en œuvre concrète des principes de réglementation.

Benjamin Guedj d’Inria et de l’Université College London a rappelé les limites techniques de la réglementation : transparence, audit et robustesse des modèles exigent un dialogue constant entre juristes et scientifiques. Christian Gagné de l’Université Laval et d’IVADO a plaidé pour le développement d’IA nationales, alignées sur les valeurs et langues locales. Alexei Grinbaum de CEA-Saclay a présenté le cadre AIOLIA, illustrant l’application concrète des principes éthiques du AI Act et les tensions entre sécurité, confidentialité et efficacité selon le contexte.

Enfin, les juges Benoît Moore et Simon Ruel de la Cour d’appel du Québec ont discuté de l’usage croissant de l’IA par les tribunaux et des risques pour l’impartialité et l’indépendance judiciaire. Ils étaient accompagnés par Maîtres Paul Gagnon et Misha Benjamin du cabinet BCF qui ont parlé du rôle des avocates et avocats dans l’accompagnement des entreprises et des innovateurs déployant de l’IA à l’échelle locale et internationale et des défis de mise en œuvre de la législation à cet égard.

Gouvernance mondiale et enjeux géopolitiques

La seconde journée a élargi la réflexion à l’échelle internationale. Benjamin Prud’Homme de Mila a analysé la géopolitique de l’IA et plaidé pour une coopération multilatérale renforcée. Isabella Wilkinson du Chatham House a souligné la question de la transparence dans un contexte de gouvernance mondiale fragmentée.

Catherine Régis, représentant IVADO, l’Université de Montréal et Mila, a présenté la création du Panel scientifique international des Nations Unies sur l’IA, une avancée majeure pour ancrer l’expertise scientifique indépendante au cœur des décisions internationales, tout en expliquant les tensions scientifiques et juridiques qui en découlent.

Vers une gouvernance responsable

Tout au long du séminaire, les échanges ont mis en évidence une conviction partagée : une réglementation efficace de l’IA doit être fondée sur des principes clairs et adaptée aux réalités technologiques. Elle doit s’appuyer sur les valeurs universelles des droits de la personne tout en demeurant souple face à l’évolution rapide des technologies.

La délégation d’IVADO composée de Gaëlle Foucault, Antoine Congost, Halima Bachir, Clare Mulrooney et Emma Kondrup a enrichi ces discussions par des perspectives nouvelles, incarnant la relève de la recherche à l’interface du droit, de la technologie et des politiques publiques.

Cette rencontre a permis de renforcer les liens entre le Québec, la France et le Royaume-Uni, une alliance appelée à jouer un rôle central dans la construction d’une IA digne de confiance.

IVADO est fier de soutenir ces efforts à travers ses programmes de recherche, de formation et de mobilisation des connaissances, qui visent à relier la réflexion scientifique à l’action concrète en matière de gouvernance responsable.