L’activité électrodermale est un signal psychophysiologique utilisé sur des humains prenant part à des études visant à mieux comprendre la peur, l’anxiété, le stress et la prise de décision. Cette mesure est utile pour les chercheurs et chercheuses en sciences cognitives qui cherchent à faire connaître davantage toutes les facettes du comportement humain. Toutefois, ils et elles ne savent pas exactement comment extraire l’information contenue dans le signal afin d’en tirer des conclusions valables.
Imaginez-vous en train de feuilleter un livre de recettes d’un des meilleurs chefs pâtissiers au monde. Vous posez les yeux sur une recette de gâteau au chocolat qui fait rugir votre estomac tant il vous semble appétissant. Vous décidez de vous lancer dans la confection de cet alléchant dessert. Malheureusement, la recette n’est pas précise ou du moins vous avez du mal à comprendre comment confectionner ce gâteau. Après avoir tout de même suivi la recette, vous obtenez un gâteau qui n’est pas du tout à la hauteur de l’image présentée. Puisque vous connaissez le résultat, et que vous n’êtes pas à votre premier essai culinaire, vous auriez pu improviser ou même adapter la recette lors d’un moment opportun.
Changez maintenant le chef pâtissier par un scientifique, la recette par un article scientifique et le gâteau par les résultats de l’article. Eh oui, une expérience scientifique peut se comparer à cuisiner un gâteau en suivant les étapes d’une recette. En revanche, en sciences, improviser ou adapter la « recette » selon notre expérience et nos connaissances, surtout si l’on souhaite répliquer une étude particulière, est plus hasardeux. Si des chercheurs ou des chercheuses veulent effectivement répliquer une étude, ils doivent suivre exactement la même méthodologie que celle utilisée lors de l’étude originale. Sinon, comment savoir que les résultats obtenus sont bien un phénomène valide et non pas le fruit du hasard ?
J’utilise l’analogie de la recette, car le but de mon projet de recherche est d’établir une méthode claire et précise sur le prétraitement du signal d’activité électrodermale (EDA). Plus précisément, l’EDA mesure les variations de conductance de la peau grâce à deux électrodes placées sur celle-ci. Comme la peau a une très grande résistance électrique, elle ne laisse pas passer l’électricité facilement. Heureusement, la sueur que la peau libère augmente sa conductance. La sueur est libérée par des glandes situées sous notre peau. Celles-ci sont contrôlées par certaines régions du cerveau qui s’activent lorsqu’une personne est stressée, anxieuse, effrayée ou lorsqu’elle prend une décision, et bien plus encore. Ce signal est utilisé par des chercheuses et chercheurs en psychologie ou en neuroscience cognitive qui s’intéressent à certains comportements humains, dont ceux mentionnés ci-dessus.
Toutefois, une lacune persiste actuellement en recherche quant au prétraitement du signal EDA. Comme d’autres équipes de recherche, j’essaie de combler cette lacune. Voilà pourquoi mon but est d’établir une méthode fiable. D’ailleurs, l’article Filtering and model-based analysis independently improve skin-conductance response measures in the fMRI environment: Validation in a sample of women with PTSD d’Anthony A. Privratsky et al. de l’Université pour sciences médicales de l’Arkansas, publié en 2020, a bien démontré les lacunes concernant le filtrage du signal EDA dans la communauté scientifique.
Dans cet article, Privratsky et al. ont établi une méthode ou « recette » de prétraitement du signal EDA qui sert de ligne directrice. C’est sur cette méthode-là que mon projet se pose. Ainsi, j’ai trois objectifs : le premier est d’ajouter une étape à leur « recette » afin de vérifier si l’étape que je rajoute améliore ou non les résultats. Pour y arriver, j’utilise l’intelligence artificielle sous la forme d’un algorithme d’apprentissage machine qui détecte dans le signal les moments non utilisables à cause d’« artefacts ». Cela peut paraître bizarre, mais quand le contact entre l’électrode et la peau est perturbé, cela crée ce qu’on appelle un artefact de mouvement. Le problème avec ces artefacts, c’est qu’ils sont similaires au signal valide, celui qui intéresse les équipes de recherche. L’étude de ces artefacts est peu utile, car ils ne sont pas provoqués par les stimuli de l’expérience, mais par les mouvements du participant.
Privratsky et al. utilisent deux manières d’attribuer un score au signal. Ces scores permettent aux chercheurs et chercheuses d’effectuer des analyses statistiques afin de répondre à leurs questions de recherche. Voyez les scores comme une façon objective de juger un gâteau : le gâteau est-il bon ou mauvais ? Dans le cas de l’EDA, les scores permettent d’évaluer la réaction de la participante ou du participant aux stimuli. Mon deuxième objectif est d’utiliser une autre méthode pour noter le signal et évaluer si celle-ci améliore ou non les résultats. Finalement, mon troisième objectif est de tester la « recette » de Privratsky avec les mêmes ingrédients, mais provenant d’autres fournisseurs. Autrement dit, je teste la « recette », mais avec différentes banques de données publiquement accessibles.
Ainsi, mon projet est d’offrir une « recette » qui permettra de prétraiter le signal EDA adéquatement, mais aussi d’offrir les outils qui viennent avec la « recette ». Autrement dit, mon but est de fournir aux futures équipes de recherche les outils que j’ai utilisés et/ou créés pour effectuer le projet, c’est-à-dire tous les codes produits, mais aussi la façon adéquate de s’en servir.
Cet article a été réalisé par Claudéric DeRoy, étudiant à la maîtrise en psychologie (Université de Montréal), avec l’accompagnement de Marie-Paule Primeau, conseillère en vulgarisation scientifique, dans le cadre de notre initiative « Mon projet de recherche en 800 mots ».