Le pied plat est l’un des problèmes de pieds les plus répandus. Les personnes qui ont les pieds plats ressentent des douleurs au dos, aux genoux et aux hanches lorsqu’elles marchent et courent. Pour atténuer cette douleur, les chercheurs de l’Université de Montréal et de Polytechnique Montréal travaillent actuellement à la conception, à l’optimisation et à la fabrication d’une semelle orthopédique trabéculaire fonctionnelle qui sera mise en marché d’ici la fin de 2021.

« Impression 3D d’une semelle personnalisée pour un patient ayant les pieds plats. Ce projet est une collaboration entre Polytechnique Montréal (LM2 lab), l’Université de Montréal (S2M lab) et un partenaire industriel, Médicus. »

La voûte longitudinale médiane (interne) du pied joue un rôle important dans le mouvement du corps en fournissant l’élasticité et l’absorption des chocs nécessaires. Une voûte longitudinale limitée ou flexible a une incidence sur la marche, particulièrement sur l’alignement des articulations de la cheville, du genou et de la hanche. Les semelles orthopédiques ou orthèses plantaires représentent l’un des dispositifs les plus couramment prescrits pour atténuer les difficultés découlant de ce problème de pieds. Dans ce projet, des techniques avancées de numérisation 3D et d’impression 3D sont utilisées pour produire des semelles orthopédiques personnalisées qui répondent aux besoins particuliers de chaque patient.

La conception commence par la topologie du pied. Une numérisation 3D du pied du patient permet d’obtenir la géométrie initiale de la semelle. Ensuite, la géométrie de la structure de la semelle est optimisée pour fournir des propriétés mécaniques variables qui répondent aux besoins thérapeutiques de chaque patient ayant les pieds plats. Une fois optimisée, la semelle est ensuite fabriquée par impression 3D. Cette technologie permet de concevoir et de fabriquer à moindre coût des orthèses plantaires à géométrie complexe adaptées à chaque patient.

Or, il est difficile de déterminer les besoins thérapeutiques d’un patient ayant les pieds plats, principalement en raison de la variabilité individuelle de la forme du pied et de la biomécanique de la démarche. En fait, les pieds plats comprennent un large spectre de pathologies cliniques et les chercheurs en biomécanique essaient toujours d’en comprendre les causes et de concevoir des solutions. Plusieurs tests en clinique sont nécessaires pour cerner les besoins particuliers de chaque patient, trouver un traitement approprié et, ensuite, concevoir et fabriquer une semelle orthopédique adaptée.

Mon projet, qui est en cours, ouvre la voie à la simulation et à la prédiction de la réponse mécanique du pied et de la semelle, ce qui aide à cerner les besoins thérapeutiques particuliers de chaque patient. Pour y arriver, des technologies de numérisation de surface tridimensionnelle fournissent une représentation numérique précise de la topologie du pied. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) permet, quant à elle, de représenter avec précision la forme ou la géométrie des caractéristiques internes du pied (p. ex., les os, les tissus mous, les ligaments). Une simulation sur ordinateur du pied et de la semelle peut ensuite être générée en utilisant la représentation géométrique et en supposant des propriétés mécaniques approximatives pour chacune des caractéristiques.

La méthode des éléments finis (FEM), une méthode mathématique de résolution de problèmes, est ensuite utilisée pour analyser le système biologique. La FEM permet de déterminer la réponse mécanique d’une structure dans des conditions de charge et de limites données. Lorsqu’il s’agit d’un système biologique aussi complexe, une simulation utilisant la méthode des éléments finis est toutefois une tâche exigeante, même pour les ordinateurs modernes. Pour concevoir et optimiser une semelle adaptée aux besoins d’un patient, les simulations doivent être exécutées plusieurs fois. Il est donc nécessaire de disposer d’un modèle de calcul rapide et efficace pour aider les orthésistes à concevoir des semelles personnalisées optimales.

Mon premier objectif est de concevoir un modèle de substitution qui est efficace sur le plan des calculs et équivalent à une simulation détaillée à grande échelle. Le modèle de substitution devra donc fournir approximativement la même réponse que le modèle original. Remplacer une simulation sophistiquée et détaillée par un modèle de substitution permettra de réduire considérablement le temps de calcul, par exemple, de deux heures à quelques secondes seulement.

Mais, quelle que soit la rapidité du modèle, ses prévisions doivent être validées par des observations du monde réel. En fait, les prédictions du modèle détaillé et du modèle de substitution doivent correspondre aux mesures expérimentales prises pendant la charge dynamique (marche) et la charge statique (position debout). Par conséquent, mon deuxième objectif est de valider les résultats des calculs en les comparant aux mesures expérimentales. Je suis encore dans cette phase de validation difficile. Une fois que les modèles auront été validés, ils pourront être utilisés pour optimiser les semelles.

La question demeure : quelle est la fonction cible dans notre optimisation? Pour l’instant, cette question reste sans réponse. Il n’existe pas une fonction mathématique pour optimiser et trouver la meilleure semelle pour un patient. Toutefois, je peux effectuer la simulation pour un patient avec une semelle donnée et analyser les résultats tels que la déformation du pied ou la répartition de la pression sur la semelle dans le but d’évaluer sa performance. Ainsi, pour un patient, je peux générer des simulations en utilisant quelque 100 000 semelles ayant des paramètres géométriques différents et, en comparant la réponse biomécanique, je peux sélectionner la meilleure. La semelle orthopédique optimisée et imprimée en 3D devrait alors permettre au patient de marcher et de courir confortablement dans sa vie de tous les jours.

Cet article a été réalisé par Mohammad Reza Moeini Gharagozlo, PhD (3e année), Département de génie mécanique (Polytechnique Montréal), avec l’accompagnement de Marie-Paule Primeau, conseillère en vulgarisation scientifique, dans le cadre de notre initiative « Mon projet de recherche en 800 mots ».