Hier, le cerveau humain inspirait la construction de réseaux de neurones synthétiques, constituant une forme d’intelligence artificielle (IA). Aujourd’hui, l’IA amène à son tour de nouvelles connaissances permettant de consolider notre compréhension du fonctionnement du cerveau, lesquelles sont aussi utiles pour améliorer l’IA en retour. Karim Jerbi, professeur agrégé au Département de psychologie de l’Université de Montréal et l’un de nos collaborateur, annonce une fusion entre neurosciences et IA.
En neurosciences, les électroencéphalogrammes (EEG), magnétoencéphalogrammes (MEG) et autres techniques, génèrent des milliers de données qui peuvent être passées au crible d’algorithmes d’apprentissage automatique. L’équipe de Karim Jerbi travaille, entre autres, avec une base de données contenant les tracés d’EEG et les évaluations de dépressions de milliers d’individus. À partir de ces données, un algorithme de classification peut apprendre à distinguer les profils de personnes dépressives et non dépressives, puis établir un diagnostic. Mais ce qui intéresse Karim Jerbi n’est pas tant le diagnostic que « d’ouvrir la boîte noire de l’algorithme » pour comprendre comment il classe les données : sur quelles propriétés des EEG a-t-il construit son processus de classification ? Ce sont là des indices pour mieux comprendre la dépression. Cette approche a aussi l’avantage d’être guidée par les données et sans a prioribasés sur une hypothèse. « Plutôt que de faire des hypothèses sur l’implication d’une structure cérébrale et son rôle fonctionnel, on peut explorer tout l’espace des activités cérébrales et avoir une approche plus exhaustive », explique Karim Jerbi. L’IA devient alors un outil et un accélérateur de la recherche fondamentale en neurosciences.
Les réseaux de neurones artificiels et l’apprentissage automatique peuvent servir de modèle pour comprendre le cerveau humain mais inversement, le cerveau biologique peut servir de modèle ou d’inspiration pour l’intelligence artificielle.
Karim Jerbi
Professeur agrégé, Université de Montréal
De manière similaire, les réseaux de neurones artificiels des algorithmes d’apprentissage profond permettent d’accomplir des tâches de reconnaissance visuelle. Ces réseaux de neurones étant inspirés de nos structures cérébrales humaines, ils peuvent servir de modèles pour comprendre le traitement des images par le cortex visuel. « En regardant ce qu’il se passe dans les différentes couches de ces réseaux de neurones artificiels, on peut apprendre comment le cerveau humain fait de la catégorisation. C’est une nouvelle source de connaissances qui émergent de l’intelligence artificielle et qu’on peut aller vérifier sur le cerveau humain », développe Karim Jerbi.
Plus généralement, l’IA peut donc conduire à une meilleure compréhension du traitement de l’information et des fondements de l’intelligence humaine, qui, en retour, ouvrira certainement de nouvelles portes pour développer l’IA.
Parce qu’elles s’intéressent toutes deux à l’apprentissage, au traitement de l’information, à la mémoire, à l’intelligence, etc., l’IA et les neurosciences s’alimentent mutuellement. Or, Montréal présente la particularité d’être un chef de file mondial autant en IA qu’en neurosciences. D’où l’idée de créer une synergie entre ces deux disciplines, comme le propose le projet UNIQUE (union neuroscience et intelligence artificielle – Québec) porté notamment par Karim Jerbi et soutenu par IVADO. Derrière ce regroupement de chercheurs de calibre international, l’idée est de fusionner les deux domaines pour créer une nouvelle discipline, la neuro-IA, dont UNIQUE serait un chef de file mondial.