Réduction des émissions de gaz à effet de serre, mise en place de normes d’efficacité énergétique, électrification des logements… Afin de faire face aux bouleversements climatiques qui s’annoncent, les pouvoirs publics doivent mettre en place des mesures ambitieuses. Pour ce faire, il est nécessaire de connaître les impacts à long terme de ces mesures.

Des modèles énergétiques existent déjà, notamment le canadien TIMES. Ceux-ci peuvent prédire la consommation d’énergie à l’échelle d’un pays. S’ils aident les gouvernements à orienter leurs politiques économiques et environnementales, ils n’offrent toutefois qu’une vision d’ensemble, qui ne permet pas de faire des projections précises à plus petite échelle. Or, pour une ville par exemple, chercher à réduire sa consommation d’énergie représente un défi particulier. Comment prévoir ces effets au niveau local ?

C’est sur cette problématique que travaille Adam Neale, doctorant en génie mécanique à l’école Polytechnique Montréal. Sous la supervision des professeurs Michel Bernier et Michaël Kummert, avec qui nous collaborons, il cherche à élaborer un modèle énergétique avec une approche ascendante, c’est-à-dire à partir de bâtiments individuels, afin de faire des prédictions à plus petite échelle. Ensemble, ils ont eu l’idée d’utiliser des outils déjà présents dans la quasi-totalité des logements : les compteurs électriques communicants, qui transmettent tous les quarts d’heure une foule d’informations. Cependant, ces dernières sont confidentielles. Si les chercheurs y ont accès un jour, une fois les questions éthiques réglées, ils seront alors bombardés de données massives, mais entièrement anonymes.

Pour développer et tester ce modèle, l’équipe a donc dû simuler ces informations. Nos ingénieurs ont modélisé 200 000 logements virtuels et généré les données qu’enverraient les compteurs de ces logements. Chacun d’entre eux s’est vu attribuer des caractéristiques différentes, obtenues à partir des informations disponibles dans la littérature scientifique. En faisant varier ces paramètres, tels que la superficie à chauffer, la résistance des murs ou l’isolation, ils arrivent à définir le lien entre l’énergie électrique et ces variables.

Pour effectuer ces savants calculs, ils sont équipés d’un puissant serveur, capable de simuler les données de compteurs de leurs 200 000 maisons virtuelles en seulement 48 heures. Chacune de ces simulations entraîne et affine leur modèle. Grâce à l’apprentissage machine, ils peuvent désormais déterminer le type de système de chauffage d’un logement, le niveau d’isolation et même le nombre d’occupants!

La plupart des modèles énergétiques actuels sont des vues d’ensemble; ils ne sont pas faits pour modéliser un sous-ensemble de bâtiments. C’est une vision top-down. Nous avons une vision bottom-up : on construit quelque chose à partir de bâtiments individuels.

Adam Neale

Doctorant en génie mécanique

Des données rigoureuses grâce auxquelles les industriels pourront évaluer à l’heure près l’impact de la construction d’un nouveau quartier sur les réseaux de distribution, ou bien prédire la diminution de la consommation d’énergie d’un parc de bâtiment à la suite d’un renforcement des normes d’isolation.

À terme, ce modèle pourrait être applicable dans n’importe quelle région du monde. M. Bernier souhaite le rendre disponible en open source, ainsi que le jeu de données de compteurs virtuels, afin qu’ils puissent être utilisés par la communauté scientifique et industrielle.

Chercheur

Adam Neale

Doctorant en génie mécanique

Polytechnique Montréal